Non le projet sepric du Kaligone à Mulhouse ne tuera pas le commerce de centre ville selon Eric Duval

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(68) Altkirch – Haro sur les «Rives de l’Ill» 

Dernières Nouvelles d’Alsace, le 16 juin 2015

Altkirch – Antoine Waechter, conseiller régional, et Olivier Boule, président de Dynamik’Altkirch

On s’y attendait, à peine l’enquête publique sur le projet de centre commercial des «Rives de l’Ill» à Altkirch terminée vendredi soir dernier, certains ont tenu «à prendre date» et à réaffirmer publiquement leur opposition en demandant que le «permis soit revu et ne soit pas accordé en l’état». Un recours au tribunal administratif est d’ores et déjà envisagé.

Antoine Waechter, conseiller régional, Olivier Boule, président de Dynamik’Altkirch et Christophe Walch, président d’Attentifs et mobilisés pour Altkirch ont invité hier à une conférence de presse commune. Finalement, Christophe Walch, empêché professionnellement, n’était pas présent mais l’élu Antoine Waechter, ancien membre de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) au sein de laquelle il avait voté contre le projet en 2012 et le commerçant altkirchois du centre-ville, Olivier Boule, ont souligné que sur cette question, ils «étaient tous sur la même longueur d’onde».

«Les gens ne s’identifieront pas à un Kaligone bis» 

«On sait que ça ne passionne pas les foules mais nous tenons à réagir, on ne pourra pas dire après qu’on ne savait pas et qu’on n’a rien fait!», indique en préambule Antoine Waechter qui tient à resituer les enjeux.

«Aujourd’hui, les grandes enseignes perdent de la clientèle et veulent la rattraper en créant des structures plus petites autour de l’hypermarché. En trois ans que j’ai passés à la CDAC, il n’y a eu quasiment aucun projet d’installation nouvelle, uniquement des galeries commerciales ce qui vide les villes, car un centre-ville vivant est un centre commercial, il ne peut pas n’y avoir que des habitants.

La Ville d’Altkirch se structure dans sa trame urbaine comme une capitale avec des bourgs secondaires, si elle perd ce statut car le centre historique est mort, les gens ne s’identifieront pas à un Kaligone bis! D’autant plus que l’étalement urbain de Mulhouse tend déjà à faire du Sundgau un lotissement. On prend le risque du déclin du commerce du centre-ville sans être assuré que le centre commercial de la périphérie marche, il n’y a qu’à voir l’échec de Waldighoffen, des centres Porte Jeune et Centre Europe à Mulhouse», argumente le conseiller régional qui cite aussi l’exemple de la ville de St-Loup-sur-Semouse en Haute-Saône d’une taille équivalente à Altkirch «où toutes les devantures sont fermées depuis qu’une surface commerciale a ouvert à 2 km du centre».

«Un type d’évasion commerciale naturel» 

L’élu dénonce aussi le «sous investissement» fait par le porteur de projet, Luc Brunet, patron du Centre Leclerc, par rapport au bâti: «autant des efforts d’intégration paysagère ont été fait pour l’hypermarché, autant pour les Rives de l’Ill, il s’agit de structures métalliques relativement sommaires qui seront amorties en trois ans. C’est déjà un facteur d’échec car ce n’est pas attractif. Pour le porteur de projet, les risques sont faibles car ils sont liés à la location des cellules pas à la réussite des magasins!».

Antoine Waechter voit une incohérence entre les efforts faits par la Ville pour valoriser le centre-ville (Halle-au-Blé, médiathèque, cinéma, résidence seniors) et la dévitalisation qui est à venir. «Il n’y a pas de continuité». Concernant l’argument de l’évasion commerciale à freiner, voire stopper, il souligne «qu’une bonne partie des Sundgauviens travaille dans les pôles urbains voisins supposés présenter une offre plus diversifiée que dans le Sundgau et où ils font leurs courses» et conclut qu’il «y a un type d’évasion commerciale qui est naturel et qu’on n’enrayera pas».

En revanche, rejoint par Olivier Boule, il souligne que le projet des Rives de l’Ill «créera une concurrence interne, une concurrence aux commerçants du centre-ville d’Altkirch mais qu’il ne pourra pas concurrencer ceux de Mulhouse ou de Saint-Louis qui ont une image différente!» Et une taille différente, Olivier Boule précisant que le projet Unibail de St-Louis annonce «plus de 60 0000 m2 ».

«Concurrence frontale»14

Le président de Dynamik’Altkirch, – association «d’une vingtaine de membres» -, parle d’une «concurrence frontale» avec les commerces déjà existants, «sport, jouets, vêtements, bricolage, jardinerie ». «En 2012, on nous avait annoncé que les enseignes seraient nommées au moment du permis d’aménager, ce n’est pas le cas», remarque-t-il et ce flou est mal perçu. Par ailleurs, «la navette entre Leclerc et le centre-ville, qui va la payer ? Et les chèques cadeaux valables au centre, je n’y crois pas du tout», répète O. Boule.

Antoine Waechter estime que «le seul fait de proposer aux commerçants existants de se déplacer vers le Centre Leclerc montre qu’il n’y a pas de nouveautés». «C’est vrai qu’une étude disait que l’offre en articles de sport n’était pas assez développée, elle va certainement se déplacer là-bas, on comprend mieux pourquoi une partie des commerçants est pour ce projet», renchérit O. Boule, visant, ce n’est pas la première fois, le président du groupement d’Altkirch-Traditions, Daniel Bixel. «Tout le monde sait qu’il va investir là-bas, ce n’est pas un reproche, il veut préserver son entreprise», ajoute Antoine Waechter.

«Une zone environnementale, éducative et de loisirs» 

Olivier Boule et Antoine Waechter précisent qu’ils ne sont «pas contre les centres commerciaux mais il faut les faire intelligemment». «On aurait pu faire un centre commercial au centre-ville, à l’ancien lycée professionnel, à l’ancien tribunal mais pas à 3 km de là», précise Olivier Boule qui revient sur une idée déjà émise par son association et celle présidée par Christophe Walch dont il est le vice-président. «On nous a traités de rigolos mais la friche Jédélé aurait pu accueillir une zone environnementale, éducative et de loisirs, du genre la salle de gymnastique et le Center Kid de Wittersdorf qui marchent». Ou dans un autre registre, Olivier Boule cite la nouvelle gendarmerie et la nouvelle caserne des pompiers «qui seraient facilement accessibles».

Olivier Boule conclut sur un «évident manque de concertation des commerçants du centre-ville malgré les promesses faites en 2012 et évoque «la pétition de Pierre Broglé qui a recueilli les signatures de plusieurs commerçants du centre-ville, membres d’Altkirch-Traditions».

L’impact sur l’aménagement du territoire plus qu’environnemental 

Si au départ, beaucoup d’objections par rapport à la protection de l’environnement ont été émises pour ce projet des Rives de l’Ill, Antoine Waechter concède que «l’administration a un peu fait évoluer les choses» et que «l’impact n’est pas vraiment environnemental mais porte surtout sur l’aménagement et la gestion du territoire». Il souligne quand même que l’aspect «développement durable» a été oublié en cours de route «avec aucun moyen de déplacement doux pour arriver à ce centre commercial». Par ailleurs, il estime avec O. Boule que l’aménageur devrait prendre en charge l’intégralité du coût des accès routiers. «Le rond-point est pris en charge pour partie seulement et on ne sait pas à quelle hauteur, le reste, c’est pour le contribuable!».

«Revoir l’autorisation de la CDAC» 

Au final, Olivier Boule pointe aussi l’augmentation des surfaces commerciales par rapport à dossier qui a obtenu l’avis favorable de la CDAC: «ont été autorisés 16200 m2 et on est passé à 18862 m2 plus 800 m2 extérieurs dans la demande de permis» et rappelle des chiffrages erronés en matière de surfaces commerciales dans la zone de chalandise, «avec 12000 m2 non mentionnés». En tant que vice-président d’AMA, il demande donc que l’autorisation de la CDAC soit revue.

Parkings: incohérence? 

Il pose aussi la question des risques d’inondation pour la station d’épuration, l’hôpital et met en avant une incohérence concernant le parking. «Selon le PLU intercommunal, 60 % de la surface commerciale doit être réalisée en parkings, ce qui représente 900 places or il n’y en a que 500 de prévues. Est-ce déjà une manière d’intégrer un futur échec?», se demande le commerçant.

Vice de forme 

Au final, les opposants demandent que le permis d’aménager «ne soit pas accordé en l’état». O. Boule évoque, au nom de Dynamik’Altkirch, la possibilité qu’il se réserve de faire un recours au tribunal administratif, ne serait-ce déjà que pour vice de forme. «Deux dossiers ont été rajoutés à l’enquête publique le 2 juin alors qu’elle était déjà ouverte depuis mi-mai, l’un sur les espèces protégées, l’autre sur l’impact environnemental, cette adjonction aurait dû entraîner une prolongation de l’enquête d’un mois ce qui n’est pas le cas».15

Une autre piste de recours serait «la prédominance des frères Brunet dans le Sundgau, tout sera étudié» (J.-C. Brunet, frère de Luc Brunet, porteur du projet des Rives de l’Ill est le propriétaire du Centre Leclerc et de sa galerie commerciale et a aussi racheté le Super U de Waldighoffen, ndlr), conclut O. Boule tandis qu’Antoine Waechter indique pour sa part que le nouveau PETR (pôle d’équilibre territorial et rural) du Sundgau devait également se prononcer sur le sujet.

Noëlle Blind-Gander 

Pierre Broglé et compagnie…

Avec un peu plus d’une quinzaine d’avis enregistrés à la clôture vendredi soir, on ne peut pas dire que l’enquête publique sur le dossier de permis d’aménager du centre commercial des Rives de l’Ill a mobilisé les foules.

Y figure notamment une note de Pierre Broglé (Mobilier et cuisines Broglé) qui rappelle divers arguments en défaveur du projet qu’il avait déjà eu l’occasion de développer lors de la dernière assemblée générale d’Altkirch-Traditions. Cette note «n’est pas une pétition» précise son auteur. Elle ne circule donc pas chez l’ensemble des commerçants. «Je l’ai écrite pour l’enquête publique et j’en ai fait mention à quelques collègues commerçants qui m’ont proposé de la cosigner».

Le texte plaide notamment pour la poursuite du développement d’un «ensemble urbanisé cohérent et proche du centre-ville» que forment le parc d’activités nord et le Quartier Plessier et considère que le projet des Rives de l’Ill «tient davantage de l’opportunisme à vouloir céder une friche industrielle à un investisseur voisin, dans l’ignorance des conséquences économiques et des réelles attentes des consommateurs».

Il souligne que 16 associations de commerçants, dont le président d’Altkirch-Traditions, se sont associées pour un recours contre le projet sepric de 21000 m2 dans la zone du Kaligone à Mulhouse, accusé de «tuer le commerce du centre-ville» et se demande pourquoi non là-bas et oui à Altkirch…

Il parle de la «menace pour les entreprises parfois familiales et indépendantes» que constitue la création de 5230 m2 dédiés à l’équipement de la personne et s’interroge sur les 2000 m2 consacrés à l’activité «bazar» alors qu’une surface équivalente doit s’ouvrir au parc d’activités nord d’Altkirch (Crocky Bazar, ndlr) et qu’Ikea arrive. Pour le bricolage (3073 m2 ), Pierre Broglé estime que le «potentiel d’Altkirch n’est pas suffisant pour deux grandes surfaces de ce type». Les surfaces consacrées au sport (plus de 2000 m2 ) et aux jouets (1134 m2 ) «correspondent au déplacement non officiel à ce jour, de deux enseignes situées en basse-ville». Une jardinerie de 2700 m2 s’ajoute «à une offre déjà pléthorique dans le Sundgau et plus spécialement Altkirch-Carspach».

Cette note a également été signée par les gérants des magasins Black & Tea, Vêtements Morgen-Kohler, Le Petit Monde, Chaussures Halm, Munck Chausseur, Ambiance et Styles et B.W. Boutique.

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Eric DUVAL
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