La guerre des zones est déclarée. Montagnes Ouest , Champniers (16) – CFA Atlantique (Groupe Financière Duval présidé par Eric Duval)
La Charente Libre, le 13 février 2015
Une semaine apres l’autorisation de l’implantation du mega-CGR, les promoteurs des Montagnes-Ouest et du Mas-dela-Cour ont defendu leur projet 7
Pas de quoi calmer les opposants.
Dans un plan com’ idéal, on n’évoquerait que la création d’un nouveau site internet, la mise en place de totems numériques à l’entrée des zones des Montagnes-Ouest à Champniers, et du Mas-de-la-Cour à Châteaubernard. Et dans une conférence de presse où volent les millions d’euros, les milliers de mètres carrés de bureaux, les dizaines de milliers de mètres carrés de commerces, les centaines de places de parking, on serait ébahi par les promesses d’emplois, tant pendant le chantier que lors de l’exploitation des commerces attendus. De Cognac aux portes d’Angoulême, ce serait des centaines d’emplois qui seraient créés.
Mais une semaine après que la commission départementale d’aménagement commerciale a autorisé l’implantation d’un Méga-CGR dans la future méga zone de Champniers, il reste encore de sacrés nuages et quelques zones d’ombre sur ces deux projets «pharaoniques et dispendieux» pour leurs détracteurs, «vitaux pour la Charente», selon les défenseurs. Malgré les efforts consentis hier par la SAEM, ses équipes, ses partenaires et ses élus, dont Didier Louis, son président, pour positiver.
Les gros nuages d’abord. Sur l’implantation du Méga-CGR, Angoulême, Grand-Angoulême, mais aussi Charente Nature n’ont pas abandonné l’idée de déposer un recours pour revenir sur une autorisation qui s’est jouée à une voix.
Le torchon brûle avec l’agglo et Angoulême
Lundi, en conseil municipal, Xavier Bonnefont s’y est dit favorable. Jacky Bouchaud, opposition angoumoisine mais majorité à l’agglo, aussi. Les militants de Charente Nature, qui ne voient pas comment pourraient cohabiter deux complexes cinématographiques – CGR aux Montagnes et Cinéscope-Megarama à Garat – en plus des deux existants déjà dans le centre-ville d’Angoulême, l’envisagent sérieusement.
Face à ce possible recours, Bernard Alloir, le directeur de la SAEM, n’a pas mâché ses mots, hier: «Certains élus se sentent autorisés à donner leur avis sur tout juste parce qu’ils sont élus. S’il y a un recours, on va encore perdre 8 mois, mettre en suspens un projet à 10 millions d’euros, mettre des emplois en péril et donner une image déplorable du département.» C’est dit, sans les formes, mais c’est dit.
Et de rappeler: «C’est un projet privé, porté par le CGR. Le CGR, pour rassurer la ville d’Angoulême, a même signé une convention dans laquelle il s’engage à maintenir le cinéma de centre-ville, dans lequel ils viennent d’engager 800 000 euros de travaux de modernisation. Il s’est fait la même chose à Pau, à Boulogne. Tous les Charentais n’ont pas envie de monter sur le plateau d’Angoulême pour aller au 8
cinéma.» Argument massue de Jeanne Filloux, maire de Champniers, conseillère générale du secteur et ardente défenseure du projet: «Les ruraux ne veulent pas aller en ville, ils ne veulent pas se garer dans des parkings souterrains.»
Des bureaux et encore des bureaux
Éric Deroo, le directeur de CFA Atlantique, assure qu’un recours ne reporterait pas la construction du fameux Retail Park. «Quoi qu’il arrive, on démarrera les travaux d’ici à fin mars», dit-il. Soit juste avant les élections départementales, auxquelles se présente Jeanne Filloux, l’une des ardentes avocates de la zone. «Mais la date n’a rien à voir avec les élections», jure Éric Deroo. Peut-être, mais ça tombe bien pour la photo.
Si des «élus se sentent autorisés à donner leur avis sur tout parce qu’ils sont élus», Xavier Bonnefont, le maire d’Angoulême, s’est aussi senti autorisé à demander, par écrit, la sortie de la ville d’Angoulême du capital de la SAEM. La ville y est actionnaire à hauteur de 5%.
Le torchon brûle entre d’un côté l’agglo et Angoulême – alliés objectifs malgré des couleurs politiques différentes – et de l’autre, les partisans de la SAEM. Et pas qu’au sujet du CGR. À la zone des Montagnes, la SAEM prévoit aussi près de 9 000 mètres carrés de bureaux pour des activités tertiaires. De quoi entrer en concurrence frontale avec le pôle tertiaire imaginé par l’agglo d’Angoulême à la gare. Et un autre derrière l’espace Carat, où doit s’implanter la MSA en 2018.
Sur la gare, Bernard Alloir est quasi définitif: «Ce projet, on ne sait même pas où il en est, ni même s’il se fera.» Aucune date n’est donnée pour le début de la construction. «Mais on a une grosse demande de la part des entreprises qui estiment qu’il n’y a pas de vrais bureaux au goût du jour à Angoulême.» C’est exactement l’argument avancé par l’agglo pour défendre ses propres pôles tertiaires.
Bernard Alloir, lui, défend son projet phare: «Sans la plate-forme d’Angoulême, sans le poumon économique des Montagnes-Ouest, la Charente passera à côté de l’effet LGV. Entre Angoulême et Poitiers, entre La Rochelle et Limoges, si Angoulême ne prend pas sa place, elle sera rayée de la carte.»
Ismaël Karroum
Xavier Bonnefont, le maire d’Angoulême, ne veut plus être actionnaire de la SAEM. «Je ne veux pas être actionnaire d’une structure où l’on ne peut rien décider, dans laquelle l’aménagement du territoire est confisqué par des techniciens au mépris des élus et des actionnaires», grogne-t-il. Des actionnaires minoritaires, surtout. Car la zone des Montagnes n’a pas été décidée que par les techniciens. Le conseil général, principal actionnaire public, y est favorable. Et le syndicat mixte de l’Angoumois, qui réunit 37 communes, a validé le projet dans son schéma de cohérence territoriale. Ce sont donc bien des élus qui ont décidé de multiplier les mètres carrés et les millions aux portes d’Angoulême et de Cognac. Le capital de la SAEM est composé de fonds publics et privés. La moitié des actions, plus une, est détenue par les collectivités. Le conseil général est majoritaire. Viennent ensuite l’agglo d’Angoulême, et la Ville. Les partenaires privés sont entre autres, la Caisse des dépôts et consignations, Orange, EDF…
Des enseignes de restauration et des mystères
Hier, Bernard Alloir et Éric Deroo n’ont guère livré de noms sur les enseignes et entreprises qui s’étaient engagées à s’installer aux Montagnes et au Mas-de-la-Cour à Châteaubernard. Aux Montagnes, outre le CGR, il était déjà acquis que BMW comptait ouvrir une concession qui regrouperait ses activités de Gond-Pontouvre et Cognac. Ce seront donc deux transferts, plutôt que des créations. L’enseigne de restauration Courtepaille a aussi acquis une passerelle et déposé un permis de construire. Aux portes du CGR, la restauration, déjà surreprésentée à Angoulême-Nord, va encore s’étoffer. Un Quick va venir concurrencer le McDo et le KFC déjà présents dans le secteur. Une pizzeria a aussi validé sa venue. L’enseigne de sandwiches Subway veut aussi installer son premier drive de France sur le parking du CGR. «Nous ne sommes pas franchement favorables à un drive, dit Bernard Alloir. S’ils ne viennent pas, on a trois autres offres.»
L’enseigne de meubles BUT va aussi s’installer. Ceci entraînera-t-il la fermeture du magasin de Puymoyen? Sur les 10 cellules du Retail Park, Éric Deroo jure en avoir vendu quatre. «On négocie les baux pour quatre autres. Il en reste deux en vente», dit-il. Pas un nom, donc, pour ce projet qui, seul, est estimé à 30 millions par le promoteur. Ouverture prévue des commerces en mars-avril 2016. 9
Pas de nom non plus pour les bureaux, ni pour les usines appelées à s’installer auprès d’Hertus, sur la partie industrielle du site. «Mais on a des contacts avec des entreprises rachetées par des fonds parisiens qui veulent venir ici. ça, c’est typiquement l’effet LGV», dit Bernard Alloir.
Pour le Mas-de-la-Cour, aux portes de Cognac, il faudra aussi repasser pour avoir des noms. Mr Bricolage est déjà là. Volkswagen vient de s’installer et une concession Peugeot sort de terre. Là encore, ce sont des transferts, qui créent des friches industrielles ailleurs dans Cognac.
Les travaux du Retail Park ont démarré. Courant mars, une cérémonie de première pierre devrait être organisée. «Il est en cours de commercialisation. On a plusieurs accords. On a aussi signé pour une usine de 10 000 mètres carrés, et une de 19 000 mètres carrés. Là-bas, c’est avancé. Il ne reste plus beaucoup d’emplacements», jurent Bernard Alloir et Éric Deroo. Des noms? «On préfère laisser Michel Gourinchas, le président de GrandCognac, les dévoiler.» Contacté hier, Michel Gourinchas a indiqué ne pas avoir été informé de ces implantations.
HÉLÈNE RIETSCH
