Les enseignes sont de plus en plus préoccupées par leur compte d’exploitation et cherchent à faire des économies sur l’immobilier.

L

Eric Duval et Christophe Clamageran

Éric Duval, fondateur et dirigeant de la foncière Patrimoine et Commerce, a créé la société de gestion d’actifs Seefar avec Christophe Clamageran, qui en est le président. Parlons Commerce leur a demandé quelle vision de l’immobilier commercial sous-tendait leur stratégie.

Éric Duval2, votre foncière possède 500 M€ d’actifs commerciaux et vous comptez doubler ce montant, principalement en retail parks : pourquoi ?

ED. Les enseignes sont de plus en plus préoccupées par leur compte d’exploitation et cherchent à faire des économies sur l’immobilier. C’est une tendance lourde. Un exemple : le groupe Beaumanoir regroupe maintenant l’ensemble de ses enseignes dans des megastores en périphérie. Le retail park est une alternative low cost aux gros centres commerciaux, où les taux d’effort deviennent trop élevés, tandis que nous sommes capables de proposer des loyers chargés autour de 130 à 140 €. Il y a aussi un formidable marché dans la restructuration des zones commerciales obsolètes en entrée de ville. Le groupe que je dirige intervient comme aménageur, promoteur, investisseur et gestionnaire. Nous sommes donc bien préparés pour engager la restructuration des zones commerciales, qui implique , dans certains cas, un changement d’affectation des sites (en habitat ou immoblier d’entreprise) mais aussi le déplacement des enseignes vers un nouveau site plus approprié.

Pourquoi avoir créé Seefar ?

CC. Nous avons voulu créer une structure de gestion pour compte de tiers dans le domaine de l’immobilier commercial. C’est un métier très spécifique dans lequel il existe peu d’indépendants et qui demande beaucoup plus de travail qu’on ne le croit souvent. Seefar s’adresse à des investisseurs qui externalisent la gestion de leurs actifs, comme l’américain KKR par exemple.

Justement, Seefar s’est associé à KKR pour racheter 4 centres commerciaux à Corio(1). Quel type d’opération est-ce là ?

CC. KKR est un fonds opportuniste. Il rachète à très bas prix des actifs en difficulté dans l’intention de les repositionner pour réaliser une plus-value. C’est une stratégie pertinente dès lors qu’elle porte sur des centres qui conservent de bons fondamentaux, notamment des flux, et qui ont surtout pâti d’une gestion inadéquate, mais réversible. Pourquoi Seefar a-t-elle pris une participation ? C’est devenu la pratique des Anglo-Saxons que de l’exiger de leur operating partner [ndlr : gestionnaire externe] pour montrer qu’ils croient dans l’opération qu’ils préconisent et ne cherchent pas juste à amasser des honoraires.

Comment allez-vous relever ces centres ?

CC. Dans ces centres en difficulté, il est indispensable de proposer un coût attractif pour maintenir de l’activité. Or si une foncière cotée annonce des baisses de loyers, le cours de son action baisse automatiquement : c’est le régime de la double peine. Elle ne le fait donc pas, et arrive un moment où elle a intérêt à vendre. Nous ne sommes pas des magiciens. Si nous pensons réussir là où Corio a préféré renoncer, c’est parce que nous avons racheté ces actifs à un prix intéressant qui nous permet, à nous, de pratiquer des taux d’effort raisonnables.

En pratique, qu’allez-vous mettre en place ?

CC. Il faut réadapter ces centres à leur zone primaire et arrêter de penser que les gens vont venir de loin : ce temps-là est révolu. Inutile de chercher à recréer de l’attractivité en mettant du marbre partout. Il s’agit de zones à pouvoir d’achat modéré où l’on cherche surtout à faire ses courses de manière efficace dans un temps court. Ce qu’il faut, c’est mettre les bonnes enseignes au bon endroit. Des enseignes de retail park, des discounters – le discount intelligent peut même être le fil conducteur de la commercialisation – et pourquoi pas des commerces ethniques, comme à Montreuil où cela aurait un sens étant donnée la forte communauté malienne qui y vit.

(1) Les Quais d’Ivry à Ivry-sur-Seine (94), La Grande Porte à Montreuil (93), L’Espace du Palais à Rouen (76) et La Mayenne à Laval (56). Ce portefeuille a été acquis auprès de Corio, pour un prix net vendeur de 104 M€

About the author

Eric DUVAL
By Eric DUVAL