Les résidences de tourisme dans l’oeil du cyclone

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Les résidences de tourisme dans l’œil du cyclone

Qu’elles soient d’affaires ou de tourisme pur, les résidences gérées inquiètent leurs propriétaires et leurs conseils. La situation se dégrade encore du côté d’Appart’City quand une renégociation massive apparaît chez Belambra

Les résidences de tourisme n’ont pas fini de faire parler d’elles. Loin de se résoudre, les problèmes de loyers persistent, voire empirent, sur cet investissement réalisé bien souvent sous le statut du loueur en meublé non professionnel ou en défiscalisation Censi-Bouvard.

Renégociation généralisée.

« Le nombre de dossiers que je reçois augmente. A quelques exceptions près, les exploitants en résidences de tourisme ont adopté une politique généralisée de renégociation des baux et des loyers, constate David Sabatier, avocat. Face notamment à un taux de remplissage des hébergements en repli, la variable d’ajustement des opérateurs consiste à diminuer les loyers, lesquels représentent un poids important dans le chiffre d’affaires. Si une partie des demandes de baisse peut sembler justifiée, d’autres profitent du contexte. »

A la base, pour certaines opérations, des biens ont été vendus chers, trop chers, et pour afficher un rendement attractif auprès de l’investisseur, les loyers ont été surévalués à tel point qu’ils deviennent insupportables pour l’exploitant. De plus, le principe des vases communicants entre la promotion immobilière et l’exploitation ne fait plus effet quand la commercialisation aux investisseurs va mal. Seuls 10.000 lits auraient été créés en résidence de tourisme en 2014, contre 30.000-40.000 au plus haut entre 2007 et 2009. En outre, la mutualisation entre les résidences rentables et les déficitaires est remise en question chez ceux qui la prônaient encore il y a peu, au temps où ils vendaient des programmes. De leur côté, les opérateurs, tout au moins ceux qui veulent bien parler, évoquent principalement des difficultés économiques dues notamment à une concurrence plus rude et des charges d’exploitation en hausse quand les propriétaires ont bénéficié d’une indexation très favorable des loyers.

La dernière étude de KPMG sur l’industrie hôtelière souligne ainsi que « les résultats d’exploitation des appart’hôtels mettent en exergue une dégradation de la rentabilité des établissements. L’optimisation des frais de personnel en 2014 n’a pas permis d’inverser la tendance à la hausse des charges globales comme l’entretien ». Mais des prévisionnels trop optimistes ou un défaut de stratégie sur la commercialisation des séjours à l’heure d’internet sont également des sujets à soulever.

Parmi les exploitants indélicats figure toujours Appart’City nom du groupe issu de l’acquisition par Park & Suites d’Appart’City en 2014. Le trouble perdure chez cet exploitant qui communique peu. Ses retards de loyers représentent en général deux trimestres. « La problématique de paiement des loyers a perduré en 2015. L’exploitant entame actuellement des renégociations en cours de bail en écartant le principe de la mutualisation. Or, en théorie, le loyer ne peut être modifié en cours de bail sauf accord amiable avec le bailleur, souligne François Lorgeoux, avocat défendant plusieurs centaines d’investisseurs. Pour obtenir le versement des loyers et une indemnité couvrant en tout ou partie les frais engagés, nous utilisons l’action en référé provision. » Des quotidiens régionaux se font d’ailleurs l’écho des procédures en cours menées par les investisseurs pour recouvrer les loyers dus par l’opérateur. L’association Andira, qui fédère plus de 450 copropriétaires au sein de 56 résidences, remarque que les loyers, auparavant versés avant l’audience d’assignation, ne sont plus payés par manque de trésorerie et qu’il faut à présent opérer la saisie bancaire via huissier pour recouvrir les loyers impayés. Elle constate ainsi que, depuis peu, des comptes bancaires sont débiteurs, avec de surcroît des inscriptions de privilège du Trésor Public.

Sans compter que les impayés ne sont pas les seuls sujets de préoccupation, la rénovation en est un autre. « A l’approche de la fin du bail, la question de la remise en état tant des parties communes que privatives (les appartements) va se poser, relève François Lorgeoux. Il faudra déterminer si celle-ci relève ou non d’un manque d’entretien de l’exploitant et quelle est alors la responsabilité du syndic sur les premières. »

Selon Appart’City, qui a réuni des représentants de copropriétaires en mars dernier, sur 115 résidences en 2014, 56 % affichaient des résultats déficitaires, 17 % étaient à l’équilibre et 27 % demeuraient profitables. Loin d’améliorer la situation des deux opérateurs, leur fusion ne porte donc, pour l’heure, toujours pas ses fruits. L’exploitant propose alors de « maîtriser » des loyers en ramenant leur poids à 35 % du chiffre d’affaires. Mais qu’en sera-t-il si les renégociations sur les loyers n’aboutissent pas ? Le risque pourrait être que le droit au bail de ces résidences récalcitrantes soit cédé à une SAS à très faible capital comme ce fut le cas l’année dernière pour 11 résidences du groupe. Une « élégante » parade pour écarter une partie des établissements avant l’échéance des baux, qui n’est pas sans poser la question de sa régularité. La colère monte encore d’un cran pour les adhérents d’Andira interpellés à la lecture des comptes de la société Denizet Etudes gérée par Pierre Denizet, président d’Appart’City, dont le chiffre d’affaires progresse de manière exponentielle en 2014 (il a été multiplié par 4 et le résultat par 14,55) quand eux éprouvent de plus en plus de difficultés à se voir régler leurs loyers.

Au tour de Belambra.

Que le bail arrive à échéance ou non, Belambra, l’exploitant de clubs de vacances, souhaite à son tour renégocier massivement les loyers. Il faut dire qu’il affiche de mauvais résultats. Après avoir enregistré une perte de plus de 2 millions d’euros en 2013 et de plus de 16 millions en 2014, l’exploitant compte réviser son modèle économique et cela passe par une baisse massive des loyers. « Est-ce que Belambra a tout mis en œuvre pour amâiorer sa situation avant d’envisager une baisse des loyers aussi drastiques ? », se demande Louis Alexandre de Froissard, CGPI, qui, face à cette diminution de loyer, estime fondé de demander la révision du prix de vente. Si, pour une partie des baux, l’exploitant fait une proposition à l’amiable, il a également sorti l’artillerie lourde en choisissant la voie judiciaire.

Faute d’accord entre les parties, l’exploitant brandit une action devant le juge des loyers commerciaux. En effet, pour certains baux, il s’appuie notamment sur l’article 145-39 du Code de commerce pour demander le réajustement du loyer dès lors que, par le jeu de l’indexation, le loyer a évolué de plus de, 25 %. « Si cette voie est choisie au lieu d’un accord amiable, la procédure peut être longue. L’exploitant adresse un mémoire en demande âaboré par un avocat et un expert judiciaire, mémoire auquel je conseille aux investisseurs de répondre avec leur propre expert. Puis, le tribunal qui est assigné nommera un troisième expert. Il faut savoir que le loyer fixé par le juge sera applicable rétroactivement. S’il est diminué, l’investisseur devra rembourser la part du loyer versée en trop pendant la procédure », explique David Sabatier qui encourage les copropriétaires à se fédérer pour négocier les nouvelles conditions. Les baisses de loyer qui ont été avancées sont brutales, pouvant aller jusqu’à 50 % sur le loyer actuel.

Pour sa part, Belambra annonce un rendement en repli de 15 % à 20 %, selon les sites, pour atteindre entre 3,5 % et 4,7 % (lire l’avis d’expert p. 28). La plate-forme immobilière Cerenicimo a d’ores et déjà trouvé un terrain d’entente avec la négociation d’une baisse des loyers en moyenne de 17 % pour les 2.500 lots qu’elle a commercialisés, proposition qu’elle encourage d’accepter. De son côté, Odalys estime désormais la situation sous co

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