Eric duval, président de la Financière Duval « Nous sommes l’Easyjet des retail parks »

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J’ai rencontré Eric duval et nous avons parlé commerce. Aussi méconnu que son groupe multiformat est difficile à saisir, il dirige une Financière Duval taillée à sa mesure. Cette complexité n’est toutefois qu’apparente : seules l’imagination et l’efficacité intéressent véritablement ce chef d’entreprise self-made-man qui n’a de people que son apparence extérieure. Pour être essentiel dans son approche des collectivités, le retail n’est pas pour lui le seul. La vision que peut en avoir cet homme de la mixité n’en est que plus passionnante.

Eric duval est de ces personnages grands et beaux, pour lesquels la réussite s’apparente à la génération spontanée. Elle n’a, pour ainsi dire, pas besoin d’être expliquée… On ne le rencontre qu’élégant et souriant, répondant de manière naturelle à des interlocuteurs sachant d’avance que leur plus grand risque sera de tomber sous le charme de ce Breton de 53 ans aux cravates roses dont les cheveux désormais blancs ondulent à la manière d’un jeune premier.

Alain Boutigny : La Financière Duval n’est pas une inconnue ; mais on situe mal ses contours, en tout cas lorsque l’on se place du strict côté du commerce : pourquoi ?

Eric duval : Il y a peu d’opérateurs tels que nous, c’est exact. Nous sommes en fait tout simplement des ensembliers de l’immobilier, capables de traiter des sujets complexes, de la périphérie au centre-ville, problématique des parkings comprise. Les multicompétences des équipes nous mettent en situation de traiter tous les sujets, aussi bien La Capucière, à Agde, à 20 mn de Montpellier, avec ses 67 000 m2 dédiés au tourisme, aux entre- prises et au commerce pour 20 000 m2, que Perrinon, avec ses 10 000 m2 de commerce, ses 8 000 de bureaux et ses parkings en plein coeur de Fort-de-France.

Alain Boutigny : Ce projet et cette réalisation, qui concernent typiquement le commerce, sont, en effet, bien connus. Néanmoins : que représente concrètement la part de celui-ci dans votre activité ?

Eric duval : Quelques chiffres permettent de comprendre facilement son importance dans le groupe. Sur un patrimoine de 1,3 milliard, le commerce représente 800 millions : à peu près 500 cotés et 300 non cotés. Très schématiquement, on peut donc considérer qu’il pèse à peu près 60 % dans notre activité. Vous voyez que ça n’est pas rien… D’autant moins si l’on ajoute les 400 millions de projet dans notre pipeline à trois ans !

Alain Boutigny : Avez-vous pour autant un penchant naturel pour ce secteur, comme c’est souvent le cas dans ce métier ?

Eric duval : Je sais très bien qu’il s’agit d’un métier attachant ! J’y suis moi-même attaché ! Cette relation directe avec l’exploitant qui est tout aussi exploitant que nous-mêmes, cette analyse du potentiel de chiffre d’affaires qu’il faut ensuite réaliser, font que je me suis toujours senti proche de ce secteur, essentiel dans beaucoup de nos programmes.

Alain Boutigny : Vous êtes du reste impliqué au-delà de la simple réalisation…

Eric duval : Tout à fait : ce sont des actifs que nous vendions autrefois, et qu’aujourd’hui nous conservons, parce que ce sont des investissements de long terme.

Alain Boutigny : Le commerce et vous, c’est pourtant une histoire ancienne, non ? Eric duval : Oh, oui ! Nous avons construit les premières «boîtes» (comme on disait à l’époque) diffuses en 1987 et notre premier parc près de l’Auchan d’Osny au début des années 90. Nous étions sur 20 000 m2. Nous nous sentions à l’aise et nous sommes restés sur ce type de standards, moins tournés vers de grands sujets que sur des programmes de taille raisonnable, collant à leur zone de chalandise : mieux vaut 20 000 m2 près d’une grande agglomération que 35 000 plus loin…

Constructeur de père en fils

La construction est, chez lui, une seconde nature. C’est de famille : Eric duval tient ça de son père, entrepreneur du bâtiment. Très vite, du reste, il se lance dans l’immobilier en créant Maisons de Bretagne, puis en réalisant ses premières «boîtes» en 1987 et en créant la Financière Duval en 1994, à partir de zéro. Aujourd’hui, le groupe emploie trois mille collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 550 millions, dont 70 %, provenant de l’exploitation, sont récurrents. Il se compose schématiquement de deux branches : immobilière et d’exploitation. Dans la première se trouve Cfa (promotion), Alamo (Amo et management environnemental), Yxime (property, facility, asset management et conseil) et Fidual asset management (conseil). Dans la seconde, logent NgfGolf (parcours), Odalys (hébergement touristique), Résidalya (résidences médicalisées), Park’A (parkings) et Phar’O (ports à sec). Cinq foncières accompagnent ces activités sous les noms de Patrimoine&…quelque chose : Santé, Tourisme, Ppp, Entreprise et, naturellement, Commerce. A.B.

Fer de lance de la Financière Duval qui a construit ses premières boîtes en 1987, la périphérie est restée son sujet principal ­ et toujours en mixité comme ici avec Hélios et ses 67 000 m2 d’espaces multifonctionnels, à Agde, à 20 mn de Montpellier.

Financière Duval : principaux programmes en cours

  • Les Eléis (30 000 m2, mai 2013) · Hélios (67 000 m2, 2015/2016) · Place Morgan (9 680 m2, 1er semestre 2015) · Palais des Congrès d’Antibes (14 000 m2, juillet 2013)
  • Cour Périnon (18 700 m2, 2008) · Poitiers Porte Sud (56 600 m2, 2007 à 2011)Principaux programmes réalisés

Alain Boutigny : Il existe des Family Village, des Greencenter et des Atoll : quel est votre modèle à vous ?

Eric duval : On nous trouve bien entendu aussi en centre-ville ­ et ces opérations sont les plus spectaculaires. Mais nous sommes indiscutablement orientés vers la périphérie. Certains ont inventé des marques qui donnent de la visibilité. Nous, voilà trente ans que nous travaillons notre modèle. Notre préférence va plutôt vers le low cost, à fort caractère ­ nous sommes l’Easyjet des retail parks ! Faire des objets de qualité avec des loyers compétitifs et des charges faibles me semble être une bonne formule, car cela débouche sur une exploitation qui ne nécessite pas de renégociation et, par conséquent, un partenariat à long terme.

Alain Boutigny : N’est-ce pas aussi, pour vous, une question de prix de revient ?

Eric duval : Vous savez, la marge dépend pour l’essentiel de la valeur du foncier. Ensuite, la construction est à peu près la même… La bonne architecture et la notion de bâtiment vert ne jouent qu’à plus ou moins 15 %. C’est d’ailleurs, comme vous le savez, ce que nous avons fait à Poitiers Porte Sud il y a déjà cinq ou six ans.

Alain Boutigny : Quel est maintenant, pour l’ancien que vous êtes sur ce parcours, le destin de la périphérie ?

Eric duval : La France est déjà bien occupée ! Après la déconstruction, il va falloir s’atteler à la reconstruction des entrées de villes. C’est un vrai sujet. En trente ans, les agglomérations ont changé : les accès, la circulation, les attentes des consommateurs, le rapport à l’espace, à l’environnement… Tout est à revoir, car ce que nous avons sous les yeux, ces boîtes moches et ces petits bouts de retail park, sont à l’image du cadre législatif des 1 000 m2 de l’époque. Les municipalités sont conscientes de ça. Elles ont une vision à long terme, commerce compris. Nous travaillons du reste à quelques sujets, dont un gros de 60 000 m2 où il faut déplacer une enseigne, mieux adap- ter le commerce dans le site, transformer des espaces en logement.

Alain Boutigny : On ne parle que de la «crise» et de ses conséquences : quelles sont pour vous les grandes difficultés du moment ?

Eric duval : L’essentiel, qu’il s’agisse de commerce, logements ou bureaux, ce sont les recours ! C’est le gros problème : ce qui entraîne des gestations longues et, finalement, coûteuses. Pour le reste, ce que vous appelez la crise, il faut tout bonnement, plus que jamais, rester sur les fondamentaux : de bons accès, une bonne visibilité, un retail park bien fait, une bonne zone de chalandise et un bon plan merchandising… Et puis, vous savez, c’est dur pour les enseignes et donc, c’est dur pour nous aussi… La grande difficulté, dans ce genre de situation, c’est le dilemme : j’y vais, j’y vais pas…

Alain Boutigny : Dans ce secteur normalisé, votre groupe est atypique : vous reconnaissez-vous des concurrents ?

Eric duval : Nous sommes en fait autant un opérateur immobilier qu’un opérateur au service des collectivités. Nous construisons, pour elles, en plus de tout ce que nous avons évoqué, des piscines, des bâtiments publics… Et nous leur proposons des partenariats, comme pour le Palais des Congrès d’Antibes, par exemple. Nous allons donc là où les opérateurs de commerces ne vont pas, ou alors là où ils ne vont pas tout seuls. Cette culture est celle du groupe : concevoir, fabriquer, gérer, investir. C’est ce qui nous oblige à être créatifs, imaginatifs. Pour nous, le modèle unique, la pensée unique n’existent pas.

Exemple-type des réalisations de la Financière Duval en centre-ville, Cour Perrinon, à Fort-de-France, est de ces sites qui développent une grande visibilité pour le groupe, estime son président. Inaugurée en décembre 2008, l’opération, typique de la mixité dont est capable l’opérateur, associe 10 500 m2 de commerces et 8 200 m2 de bureaux, occupés en partie par le tribunal d’instance et la municipalité.

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